Interview du Mois : Alexandre de Senarclens

Publié sous forme de contribution personnelle corédigée avec Hristina Stoyanova, Alexandre de Senarclens, revient pour SFG sur l’article rédigé en juin dernier pour le journal Le Temps. Il propose une modification de l’OPP2 visant à permettre aux caisses de pensions d’investir plus largement dans des placements ayant un impact ESG. Au cours de cet entretien, nous explorons ces questions ainsi que la dynamique plus large entre le monde politique et financier.

 

Actuellement de nombreuses caisses de pensions en Suisse ne tiennent pas encore compte des critères ESG dans leurs investissements, comment peut-on les encourager à avoir une réflexion plus robuste sur les enjeux sociaux et environnementaux ?

 

Dans l’article, nous proposons de donner plus de liberté à la caisse de pension en assouplissant les limites par placement fixées dans l’OPP2 de 20% de la valeur de la limite concernée pour autant que la part excédentaire soit constituée exclusivement de placements ESG. Concrètement, cela signifie que, par exemple, la limite de 50% des placements en actions pourrait être portée à 60% (20% x 50%) à condition que la part excédentaire de ces placements réponde à des critères ESG.

Pour toutes les caisses qui ne tiennent pas encore compte de ces critères, une telle réforme va à n’en pas douter générer une réflexion sur ce thème. Pour celles qui envisagent d’utiliser la latitude nouvelle offerte par cette réforme, la stratégie sur la durabilité se posera à nouveau. Ainsi, cette modification aura un impact en poussant les caisses de pension à saisir les opportunités offertes par une plus grande liberté d’actions.

En somme, ceci sera de nature à générer un changement culturel et une meilleure compréhension au sein de l’industrie. C’est aussi à mon sens une demande des assurés qui souhaitent donner du sens à leurs investissements.

A noter que cette proposition est un premier pas qui pourrait être complété par des objectifs d’investissement d’impact lorsque les critères et les normes appropriés auront été définis et acceptés par la Suisse.

 

Face à la maturité du secteur financier concernant les enjeux majeurs tels que le changement climatique, la préservation de la nature ou l’égalité sociale, le discours politique semble en retard. Comment interprétez-vous cet écart? Devrait-on laisser aux financiers seuls la responsabilité de la régulation, ou est-il nécessaire que les politiciens assument leur part de responsabilité à un certain point?

 

Je crois que les responsables politiques doivent jouer un rôle proactif dans cette évolution et c’est ce que nous faisons avec notre proposition. Cependant, l’industrie financière a besoin de règles flexibles. Nous devons éviter des contraintes excessives qui sont bien souvent déconnectées des réalités du marché. La Suisse a l’habitude aussi de faire confiance à l’industrie privilégiant le « soft law », tel que pourrait le produire le Département fédéral des Finances ou la FIMNA. Aussi, ces règles ne doivent pas déresponsabiliser les gestionnaires de ces caisses.

En Suisse, en tant que place financière majeure, nous avons été précurseurs. Il existe maintenant des acteurs reconnus avec des compétences et un historique solide. L’objectif est d’accélérer ce processus. Plus largement, le rôle du politique et de l’industrie sera crucial pour résoudre la problématique de définition, en adoptant des définitions non uniquement suisses, mais au moins européennes. Nous devons maintenant avancer rapidement sur cette mise en œuvre.

 

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