
Le Paquet Omnibus de l’UE: Principaux Changements et Impact Potentiel sur les Entreprises Suisses
Le Paquet Omnibus de l’Union européenne (UE) prévoit une révision réglementaire majeure visant à simplifier et clarifier les obligations de reporting en matière de durabilité pour les entreprises opérant sur le marché européen. Cette proposition législative de la Commission européenne introduit des ajustements à la Directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD), la Directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CSDDD), le Règlement sur la taxonomie et le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, réduisant ainsi considérablement la charge de conformité pour de nombreuses entreprises afin d’améliorer la compétitivité de l’UE. Bien que les changements proposés concernent principalement les entreprises basées dans l’UE, ils auront également un impact significatif pour les entreprises et institutions financières suisses actives sur le marché européen. La présente newsletter met en évidence les modifications les plus pertinentes apportées à la CSRD et à la CSDDD ainsi que les conséquences potentielles pour les entreprises suisses.
1. Principaux Changements
S’appuyant sur les recommandations du rapport Draghi sur la compétitivité de l’UE, le Paquet Omnibus, publié par la Commission européenne le 26 février 2025, propose plusieurs modifications aux exigences de reporting et de réglementation en matière de durabilité. L’objectif est de rationaliser certains aspects du cadre législatif existant.
La Directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) et la Directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CSDDD) sont partie des réglementation directement concernées par les changements proposés. Voici un bref aperçu des principales mises à jour :
1.1 Directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD)
A. Révision du champ d’application : Le Paquet Omnibus modifie la CSRD pour réduire la charge administrative pesant sur les entreprises tout en maintenant la transparence du reporting en matière de durabilité. L’un des changements majeurs est l’augmentation du seuil d’employés minimum pour les entreprises de l’UE, passant de 250 à 1 000 employés. Les seuils financiers restent pour leur part inchangés (chiffre d’affaires de EUR 50 millions ou bilan total de EUR 25 millions). Selon les amendements proposés, les entreprises non européennes, telles que les entités suisses, seront soumises à la directive si elles génèrent plus de EUR 450 millions de chiffre d’affaires dans l’UE (seuil actuel : EUR 150 millions) et possèdent soit (i) une filiale dans l’UE soumise à la CSRD, soit (ii) une succursale dans l’UE dépassant EUR 50 millions en chiffre d’affaires (seuil actuel : EUR 40 millions). Ces ajustements réduisent considérablement le nombre d’entreprises devant se conformer aux obligations de reporting, ce qui exempte potentiellement de nombreuses entreprises suisses.
B. Report des délais de reporting : Les délais de reporting ont été prolongés, accordant aux entreprises basées dans l’UE deux années supplémentaires avant l’entrée en vigueur de leurs obligations. Toutefois, les délais de conformité pour les sociétés mères non européennes restent inchangés.
C. Plafonnement du reporting sur la chaîne de valeur : Les entreprises qui ne relèvent plus du champ d’application de la CSRD pourront volontairement déclarer leurs informations selon les normes élaborées par le Groupe consultatif européen sur l’information financière (EFRAG). Les grandes entreprises soumises aux exigences de la CSRD ne pourront pas exiger de leurs partenaires commerciaux de moindre taille dans la chaîne d’approvisionnement plus d’informations en matière de durabilité que celles imposées par ces normes volontaires.
D. Simplification des normes de reporting : L’UE prévoit de simplifier les Normes européennes en matière de reporting de durabilité (ESRS) en réduisant les exigences de reporting et en supprimant les normes sectorielles spécifiques. Le principe de double matérialité reste pour sa part inchangé.
1.2 Directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CSDDD)
A. Prolongation du calendrier de mise en œuvre : Contrairement à la CSRD, la CSDDD n’a pas encore été transposée dans les législations nationales des États membres de l’UE, le délai étant juillet 2026. Une modification majeure est le report de ce délai de transposition à juillet 2027. Les délais de conformité sont par ailleurs reportés à juillet 2028 pour les grandes entreprises.
B. Focus sur les fournisseurs directs : La directive révisée met davantage l’accent sur les fournisseurs de premier niveau (fournisseurs directs) plutôt que sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Des investigations plus approfondies sur la chaîne d’approvisionnement, y compris l’exercice d’une vigilance raisonnable concernant les partenaires commerciaux indirects, ne seront nécessaires que s’il existe des signes d’incidences négatives potentielles ou avérées.
C. Réduction de la fréquence des contrôles : La fréquence des évaluations est assouplie. Au lieu de contrôles annuels, les entreprises devront mener des évaluations au moins une fois tous les cinq ans, sauf en cas de risques ou d’inefficacités identifiés.
D. Flexibilité accrue des États membres de l’UE en cas de non-conformité : Le régime actuel exige que les sanctions soient basées sur le chiffre d’affaires mondial des entreprises. Si une sanction maximale est prévue dans la législation nationale des États membres de l’UE, le plafond est fixé à au moins 5 % du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise. Ces exigences relatives à la détermination des sanctions en cas de non-conformité ont été supprimées. Ainsi, au lieu de suivre un cadre strict applicable à l’ensemble de l’UE, chaque État membre bénéficie d’une plus grande latitude pour fixer les sanctions. Ce changement pourrait entraîner des niveaux d’application variables selon les juridictions, influençant potentiellement les choix des entreprises quant aux lieux d’implantation de leurs activités.
E. Renonciation à la mise en place d’un système de responsabilité civile : La Paquet Omnibus ne prévoit plus un régime de responsabilité civile harmonisé à l’échelle de l’UE, laissant chaque pays décider si une entreprise peut être tenue légalement responsable pour manquement à ses obligations de vigilance raisonnable. Cela pourrait encourager le « forum shopping », dans la mesure où les entreprises pourraient privilégier des juridictions avec des règles de responsabilité plus souples.
F. Atténuation des exigences relatives aux plans de transition climatique : Les entreprises ne seront plus tenues d’activement mettre en œuvre un plan de transition. À la place, elles devront démontrer qu’elles déploient leurs meilleurs efforts pour s’aligner sur l’objectif de réchauffement de 1,5°C du Pacte de Paris.
G. Exclusion des services financiers et des activités d’investissement : Dans sa forme actuelle, la CSDDD est partiellement applicable aux entreprises de services financiers, mais prévoit l’obligation de réévaluer la nécessité de règles de vigilance raisonnable pour les services financiers et les activités d’investissement à l’avenir. Le Paquet Omnibus introduit la suppression de cette obligation de réévaluation.
2. Processus Législatif de l’UE
Le processus législatif concernant l’adoption du Paquet Omnibus est en cours, la Commission européenne appelant à une adoption accélérée. Pour leur part, le Parlement européen et le Conseil peuvent introduire des modifications supplémentaires. Aussi, à ce stade, la version finale des réglementations visées par cette révision reste incertaine. Une fois adoptés, les États membres disposeront d’un an pour transposer les changements dans leurs droits nationaux.
Indépendamment du résultat final de la législation révisée, les entreprises déployant des activités commerciales dans l’UE – y compris les entreprises suisses – devraient suivre de près l’évolution du processus d’adoption et, par la suite, les mises en œuvre spécifiques à chaque pays.
3. Impact sur les Entreprises Suisses
Le Paquet Omnibus pourrait avoir des conséquences directes et indirectes pour les entreprises suisses. Les amendements proposés à la CSRD et à la CSDDD visent à alléger les obligations de reporting et de vigilance raisonnable. En conséquence, les entreprises suisses relevant du champ d’application de ces directives devraient voir leurs obligations réduites.
Outre ces implications directes concernant l’atténuation des risques réglementaires, les coûts et la compétitivité des entreprises concernées, le paquet Omnibus pourrait avoir une influence indirecte sur la législation suisse dans le domaine de la gestion durable des entreprises.
Les dispositions du Code des obligations suisse (CO) concernant les obligations de reporting extra-financier et aux devoirs de diligence (Articles 964a et suivants CO) sont en cours de révision pour s’aligner avec la CSRD. Avant que ne soit publié le Paquet Omnibus, il était attendu que le champ d’application des entités soumises aux exigences de reporting extra-financier soit élargi. En mars 2025, le Conseil fédéral a confirmé que ce projet de révision était toujours en cours, précisant toutefois qu’une décision sur les prochaines étapes ne serait prise qu’une fois que l’UE se sera prononcée sur les assouplissements proposés par le Paquet Omnibus.
Ces récents développements soulignent l’influence croissante de la législation européenne en matière de durabilité sur la législation suisse. Par conséquent, les entreprises suisses, même celles qui ne sont pas directement concernées par le Paquet Omnibus, ne peuvent se permettre d’ignorer la législation européenne sur la durabilité.
Compte tenu de l’évolution rapide du paysage réglementaire, les entités suisses devraient suivre de près les questions relatives à la durabilité et la finance durable. Suivre les développements législatifs européens, réévaluer les cadres de vigilance raisonnable en place et se préparer aux éventuelles mises à jour réglementaires nationales semblent essentiels pour assurer la conformité réglementaire de l’entreprise et minimiser les risques opérationnels.
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